Discours du Président à l'occassion du 17/08/2010
Gabon : «L’émergence n’est pas un
slogan», précise Ali Bongo
A l’occasion
du cinquantenaire de l’indépendance célébrée le 17 août, le président gabonais,
Ali Bongo, s’est adressé à la Nation. Dans son discours, le chef de l’État
interpelle notamment chacun à responsabilité personnelle tout en recadrant le
concept d’«émergence», un défi qu’il souhaite à l’horizon 2025.
Gabonaises,
Gabonais,
Mes chers
compatriotes,
Nous célébrons, le 17 août 2010, le cinquantième anniversaire de l’accession de
notre cher pays, le Gabon, à la souveraineté internationale.
C’est pour chacun d’entre-nous, un très grand jour qui doit nous réjouir et que
nous devons commémorer avec ferveur dans l’unité, la paix et la concorde
nationale. A l’heure où la Nation atteint ces cinquante ans d’indépendance, il
me revient le grand honneur d’évoquer en cette circonstance tout à fait
particulière, la mémoire du père de l’indépendance, le Président Léon Mba,
premier Président de la République Gabonaise. Le Gabon et les Gabonais lui
seront toujours reconnaissants d’avoir conduit notre pays vers l’indépendance
avec une très grande sagesse. Nous devons ensuite nous souvenir du Président
Omar Bongo Ondimba, deuxième président de notre République, qui nous a quittés,
il y a à peine un an, et qui a été le grand artisan de la modernité de notre
pays. Il a bâti la paix, consolider l’unité nationale, et construit l’Etat sur
des bases solides, léguant ainsi un grand et un lourd héritage à protéger et à
conserver. Mes chers compatriotes, Au-delà du caractère festif de ce grand
jour, il est un devoir de mémoire, celui de se souvenir de ce qu’était le Gabon
pendant la colonisation : un simple lieu d’exploitation de bois et de
ressources minières au bénéfice de l’ancien colonisateur. Au point qu’à
l’indépendance, le Gabon n’héritera de rien, malgré le potentiel forestier et
minier dont il disposait déjà à cette époque. Tout ou presque était à
construire. Il a fallu donc se mettre résolument au travail, avec le peu de
cadres disponibles à cette époque, pour bâtir un Etat et le doter
d’infrastructures indispensables pour sa modernisation: écoles, universités,
hôpitaux, routes, ports, aéroports, chemin de fer, etc. Ce seront là les acquis
du travail des Gabonaises et des Gabonais qu’ils soient d’origine, d’adoption,
ou venus d’ailleurs, et qui ont choisi de vivre dans notre pays. Ces acquis
sont à mettre au crédit des pères fondateurs de notre République qui ont été
investis de la noble mission de conduire le destin de ce pays. Au prix de
multiples efforts de la nation en se fondant sur les sacrifices, ils ont
construit avec amour et dévouement, pierres par pierres, notre pays. Chacun a
pu à son époque et avec son style, donner le meilleur de lui-même pour bâtir le
cadre sur les valeurs essentielles que sont l’union, le travail et la justice,
fondements de notre République.
Mes chers compatriotes. Ces valeurs qu’ils nous ont léguées et que nous avons
su préserver restent l’adjuvant nécessaire de notre cohésion nationale et de
notre stabilité politique retenue et appréciée par la communauté
internationale. Il nous est certes arrivé de nous quereller, de nous disputer,
mais nous sommes toujours parvenus malgré tout à rester unis, grâce à notre
Etat d’esprit et la forte volonté collective de préserver les fondements de
notre vivre ensemble.
C’est le fait d’un certain discours politique et d’une certaine pratique du
pouvoir mettant l’accent sur ce qui nous uni plutôt que ce qui nous divise. Il
faut aussi y voir le résultat d’une éducation à la tolérance reçu en héritage
et transmise de générations en générations et qu’il importe de préserver
jalousement du démon de la division, notamment ethnique. En cinquante ans
d’indépendance, notre pays a forgé et consolidé des institutions dont nous
pouvons être fiers.
La gestion saine, l’exemple de la transition que nous avons vécue l’année
dernière est l’illustration parfaite de la solidité et de la qualité des femmes
et des hommes qui l’on conduite. C’est l’occasion pour moi de rendre un vibrant
hommage à Mme Rose Francine Rogombé qui a dirigé cette transition avec bonheur.
Force est de reconnaitre que tous les ainés qui ont amorcé la construction de
notre pays ont fait leur part de travail. C’est à nous de faire davantage, loin
de l’égoïsme et du sectarisme. Il nous appartient de nous adapter à notre
époque, une époque caractérisée par la compétence, la compétitivité,
l’excellence, la culture de la bonne gouvernance et le dépassement de soi. Ce
temps de construction engage et concerne chaque gabonais, car ce pays est un
patrimoine commun inaliénable dont la préservation et le développement
n’incombent pas à la seule élite dirigeante. Conscient de la confiance que vous
m’avez faite, des défis à relever autant que des devoirs et responsabilités de
ma charge, je vous ai proposé à présent de bâtir un avenir commun avec comme
ambition ultime de faire du Gabon un pays émergent à l’instar de certains pays
d’Asie d’Amérique, d’Afrique qui ont inventé leurs chemins. L’émergence n’est
donc pas un slogan, un effet de mode ou une invention magique. Les critères qui
permettent d’accéder à ce statut sont objectifs et connus des spécialistes en
la matière. Il y en a plusieurs qui permettent en définitive, d’évaluer la
qualité dans cinq secteurs : l’éducation, l’économie, le développement durable,
infrastructures et réseau, le développement humain, notamment la santé. Et dans
ce domaine précis, il me plait d’encourager les acquis que constituent la mise
en place de l’assurance maladie obligatoire, et la construction en cours de
l’institut de cancérologie d’Agondjé qui nous permettra désormais de traiter
sur notre sol les maladies dégénératives dont le cancer. Mes chers
compatriotes. La notion d’émergence fait appel à un nouvel état d’esprit, à un
refus de mal vivre, un refus de se noyer dans le défaitisme, la démission ou la
résignation. Emerger, c’est apprendre à nager pour regagner la berge.
L’émergence pose donc un questionnement philosophique sur sa propre condition
humaine. Que dois-je faire pour changer ma vie ? Que dois-je faire pour être
utile à ma famille, à mon pays ? Voilà de manière simple des interrogations,
dont l’appropriation conduit à l’émergence. Ce chemin est essentiel pour nous, car
le Gabon de demain sera ce que nous voudrons qu’il soit. Chacun à sa place doit
prendre la mesure de sa responsabilité personnelle et de ses devoirs. Cela nous
éviterai des confessions burlesques du genre : « je n’ai jamais gouverné, je
n’ai jamais commandé, ce n’est pas ma faute ». La faute du colonisateur c’est
fini. La faute de l’autre, c’est fini. Notre responsabilité personnelle et
collective est plus que jamais engagée. Nous sommes face à notre destin et
personne ne viendra le construire à notre place. En effet, le développement
n’est pas un fleuve tranquille. C’est un processus qui implique une remise en
cause dans nos habitudes, dons notre façon de penser et d’agir. De cette
rupture nécessaire, notre pays en sortira plus fort, et l’avenir de nos enfants
sera mieux assuré ainsi le Gabon immortel restera digne d’envie. Mes chers compatriotes, La matérialisation de
cette ambition nécessite de la nation gabonaise dans toutes ses composantes un
effort soutenu, continu et des sacrifices sur une longue période au-delà des
mandats politiques. Je veux désormais que les jeunes prennent en mains leurs
destins, qu’ils s’engagent dans toutes les entreprises et actions de
développement facteurs d’épanouissement individuel et collectif. Je veux que
les femmes prennent toute leur place dans le processus de développement du pays
avec leurs cœurs et leur sensibilité de mères. Penser que l’on ne peut rien
apporter à son pays parce que l’on est démuni ou handicapé est une illusion. Accepter
de nettoyer devant sa maison ou son échoppe, garder votre marché propre,
arrêter la lumière de votre bureau lorsque vous le quittez, ne pas jeter de
papier ou des sachets dans la rue, respecter le code de la route, aider un
compatriote en danger, bien gérer les deniers publics, rompre avec l’injustice
et le favoritisme est aussi une manière de participer à l’édification de notre
pays dans le civisme exemplaire et participatif.
Cet Etat d’esprit doit animer tant le gabonais d’origine, d’adoption que nos
hôtes étrangers qui vivent parmi nous.
Mes chers compatriotes,
le Gabon est un mesure de relever le défi de l’émergence à l’horizon 2025 grâce
à ses ressources naturelles minières, grâce à sa capacité à créer des richesses
et des emplois dans tous les secteurs, grâces à ses compétences dans différents
savoirs et savoir-faire. C’est ce qui ressort des études exhaustives
approfondies, schématisées dans la matrice du potentiel de l’économie gabonais
que je fais élaborer.
Cette analyse révèle par ailleurs que les moteurs traditionnels de la
croissance sont en déclin en particulier dans le domaine des hydrocarbures.
Elles ne sont pas en mesure telles quelles de porter une croissance durable à
l’horizon 2025. Dès lors il faut imaginer d’autres voies en tirant profit de
nos meilleurs atouts. Le potentiel de notre population constitue notre premier
atout.
Le génie gabonais n’est pas une vue de l’esprit, on peut en observer
l’expression dans différents domaines, recherche, sport, culture etc. Il n’y a
donc aucune raison de cultiver un complexe d’infériorité. C’est pourquoi je
vous exhorte à mettre en valeur désormais ce potentiel, à le capitaliser, à le
rentabiliser dans votre domaine de compétence. Soyez le meilleur dans ce que
vous maîtriser le mieux, soyons toujours ensemble pour construire notre pays.
Nous avons les moyens et les capacités pour parvenir à des résultats
susceptibles d’étonner le monde. Mobilisons nous pour transformer notre pays en
travaillant chacun pour tous et tous pour chacun. Dans cette perspective, nous
savons que nous pouvons compter sur les gabonais de l’étranger. Nous sommes en
train de mettre tout en œuvre pour inciter au retour, tous ces compatriotes de
grandes compétences et expérience que le besoin de formation que le besoin de
formation et de vie ont fait éloigner de la mère patrie.
Mes chers compatriotes,
L’ambition de développement et l’exigence de diversification de notre économie
nous contrains à nous appuyer sur de nous moteurs de croissance. De ce point de
vue, quatre secteurs s’avèrent stratégique : l’industrie de transformation de
bois, la métallurgie légère, l’écotourisme, l’énergie.
La maîtrise de la chaîne de valeurs dans la transformation du bois pourra créer
des centaines de milliers d’emplois durables et favoriser la naissance de
nouveaux pôles économiques sur l’ensemble du territoire national. La zone
spéciale économique de Nkok dont les travaux d’infrastructures commencent dans
quelques semaines participe de cette dynamique.
Concernant la métallurgie légère, le Gabon dispose, en plus de son activité
industrielle actuelle dans le manganèse et grâce à ses réserves de fer et son
gaz, des leviers pour devenir un des tout premiers acteurs mondiaux,
l’ouverture en septembre prochain de l’institut du pétrole et du Gaz à
Port-Gentil est le signal du renforcement des capacités dans ce secteur qui
vise l’excellence. S’agissant du tourisme l’exceptionnelle biodiversité et la
politique de préservation des parcs nationaux de notre pays, légitime
l’ambition de devenir une destination de référence mondiale en matière
d’écotourisme. Parallèlement, le tourisme d’affaires offre aussi de réelles
possibilités. Notre filière industrielle présente également un potentiel de
croissance d’électricité grâce à l’exploitation de nos ressources hydrauliques.
Les chantiers du grand Poubara en cours dans le sud –est du pays, le lancement
du projet du barrage sur l’Okano, dans le nord, et la projection d’un autre
chantier sur les chutes de l’impératrice Eugénie dans le Sud, présagent d’un
développement intégré sur l’ensemble du territoire national.
Mes chers compatriotes,
Notre ambition ne pourra être réalisée si nous ne mettons pas aussi en place
les mécanismes de la bonne gouvernance. Cela suppose des structures et des
institutions solides et bien dirigées, capables de prendre en charge les
nouveaux défis.
Plus que jamais, le programme national de bonne gouvernance doit s’engager
davantage. Pour cela, dans toutes les administrations et les entreprises
publiques de notre pays, je veillerais particulièrement à la qualité à
l’intégrité des femmes et des hommes investis des responsabilités de gestions.
C’est dans ce sens que je viens de faire lancer des enquêtes pour déterminer
les responsabilités des uns et des autres dans la mauvaise gestion des
financements consentis par l’Etat dans plusieurs projets et travaux ainsi que
le relève avec éloquence, le dernier rapport de la Cour des comptes que je
viens de recevoir. Cette rigueur doit aussi être appliquée aux travaux en cours
à Libreville, lesquels doivent continuer au-delà des festivités du
cinquantenaire. J’entends voir ces travaux arriver à leur terme.
Mes chers compatriotes,
Notre rapport à la loi doit évoluer, car c’est elle qui garantit l’équilibre
social en neutralisant d’éventuels antagonismes. Tout le travail que l’on fera
sera vain si cette donnée élémentaire n’est pas intégrée. Comment accepter que
des investissements importants soient réduits à néant par des attitudes
irresponsables et antipatriotiques. Aucun pays ne s’est développé en favorisant
le laxisme, l’impunité, le détournement des deniers publics et le désordre.
Plus que jamais, nous nous opposerons à ces comportements déviants d’un autre
âge, d’une autre époque.
Aussi, le développement doit-il concerner notre pays dans son intégralité. D’où
l’importance que j’accorde à un chemin national d’aménagement du territoire,
indiquant l’ensemble des pôles économiques et les infrastructures optimales de
transports nécessaires à leur développement.
La récente caravane, « GABON PROFOND », m’a édifié mieux que tous les rapports
sur les besoins et les attentes des gabonais de l’intérieur du pays, et me
conforte dans la détermination à mettre en œuvre, avec célérité, le programme
politique « l’avenir en confiance ».
J’ai donc décidé de lancer ce qui constitue l’épine dorsale de notre économie
c'est-à-dire la route Libreville-Franceville dont les financements viennent
d’être acquis grâce à un partenariat avec des pays émergents qui croient en la
capacité économique du Gabon de se hisser parmi eux. Dans la même optique du
désenclavement et d’aménagement équilibré de notre pays, j’ai lancé il y a un
mois, la construction de la route Tchibanga – Mayumba et du pont sur la Banio.
Cet important chantier, ouvre de réelles perspectives sur la construction du
port de Mayumba et de la route Tchibanga Koula-Moutou.
C’est le lieu, ici, de louer l’initiative de la première Dame, qui m’a permis
de me rendre dans le Gabon profond et de m’imprégner sans intermédiaire de
l’état de notre réseau routier. A travers elle, on se rend à l’évidence du rôle
que nos sœurs, nos mères et nos épouses peuvent jouer dans le processus de
développement de notre cher et beau pays.
Mes chers compatriotes,
Moi, j’ai foi en l’avenir, c’est un engagement personnel et je compte non
seulement sur chacun d’entre vous et mais aussi sur nos partenaires pour aider
à la réalisation de cette grande ambition de faire du Gabon un pays émergent.
Cet édifice nouveau auquel nous rêvons. Pendant ces cinq dernières décennies,
nous nous sommes unis pour construire notre nation. Il nous a fallu nous armer
de patience et de détermination, il nous a aussi fallu cultiver et prôner des
valeurs d’ouverture et de coopération avec tous les pays amis.
C’est dire que nous avons pu compter sur le soutien de tous nos partenaires au
premier rang desquels, la France, avec qui, notre proximité traditionnelle et
historique s’est enrichie de divers aspects culturel, économique et politique.
Dans le respect mutuel et au nom de nos intérêts respectifs notre partenariat
vient d’être renouvelé pour l’adapter aux exigences du moment. Le Gabon ne peut
que se réjouir de l’exemplarité de cette coopération.
Je voudrais solennellement redire à l’ensemble de nos partenaires américains,
européens asiatiques et aussi les pays arabes, combien le Gabon reste
reconnaissant à leurs égards pour tous les soutiens multiformes qu’ils ne
cessent de lui apporter pour construire son développement.
A nos frères, à nos amis Africains, il ne fait l’ombre d’aucun doute que nous
resterons toujours à vos côtés pour défendre la dignité de nos peuples
respectifs. Résolument convaincu de notre destin communautaire, notre pays
continuera inlassablement à joindre ses efforts à ceux de des autres membres de
l’Union africaine (UA).
A l’échelle de la sous région, je partage l’idée qu’unis et soudés, nous
relèverons le défi d’un pays durable et d’un développement harmonieux de notre
continent.
Bonne fête à tous et que Dieu vous bénisse!
Vive le Gabon et vive l’Afrique, je vous remercie!